Pour des politiques ambitieuses et audacieuses en faveur de la diversité musicale

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La musique au cœur des mutations sociétales

Les pratiques culturelles et artistiques prennent une place de plus en plus importante dans la vie des populations. Le phénomène s’est accéléré, poussé par la conjugaison des efforts de démocratisation des collectivités territoriales et de l’Etat, mais également par le déploiement des initiatives associatives, le développement des industries culturelles, la mondialisation, le généralisation des usages numériques, la médiatisation des œuvres, des artistes et la démultiplication des canaux de diffusion. Ces mutations ne s’opèrent pas sans modifier les références communes en termes d’arts et de cultures. Elles concourent à l’explosion sans précédent des besoins, des désirs des populations. Cela génère des questionnements mais surtout de réelles opportunités. Les personnes revendiquent leurs droits culturels en termes d’expression, d’éducation ou d’accès aux propositions artistiques. De fait, cela réinterroge l’intérêt général en la matière et re-questionne l’ensemble des politiques publiques concernées.

Omniprésente dans nos quotidiens, la musique est au cœur de ces transformations. Partout sur les territoires, en France, en Europe, une myriade d’initiatives musicales tente de répondre aux attentes des habitants qui de plus en plus nombreux, cherchent à découvrir des artistes, à voir des concerts, à partager des moments conviviaux, à pratiquer eux-mêmes, à s’exprimer sur scène, à produire et à diffuser leurs enregistrements. Portées par cet engouement sans précédent, de nombreuses actions ont été entreprises aussi bien dans le champ artistique que dans le champ économique, social, ou encore éducatif, mettant la participation des habitants au cœur des projets.

 

Un écosystème extrêmement diversifié, ancré sur les territoires

Un véritable écosystème s’est constitué autour de ces musiques dites « actuelles », à la fois populaires et plurielles, qui vont du jazz au hip hop, de la chanson à la variété, du rock au punk, des musiques électroniques aux musiques traditionnelles d’ici et du monde. Ce tissu d’initiatives est particulièrement diversifié, à travers des styles musicaux toujours plus hybrides, la pluralité des acteurs impliqués, les activités mises en œuvre, les finalités poursuivies et les modes d’organisation.

En effet, issues historiquement de l’initiative privée, les musiques actuelles sont aujourd’hui portées par une myriade de petites et très petites entreprises, mais également par des entreprises d’envergure nationale, voire internationale, ainsi que des structures publiques. Sur les territoires, ces initiatives musicales sont pour la plupart artisanales et très majoritairement associatives. Elles sont portées et soutenues par des bénévoles, des professionnels et des élus locaux. Elles mobilisent des dizaines de milliers de passionnés. Elles fédèrent, suscitent des synergies autour de lieux ou d’évènements. Elles mettent en valeur les villes, les quartiers, les campagnes, les habitants. Bref, elles sont indispensables à la vitalité culturelle de nos territoires ruraux et urbains.

Les musiques actuelles se sont affirmées depuis plus de trente ans comme un secteur incontournable, à la fois artistiquement, culturellement et économiquement. Organisation de concerts, de festivals, production et diffusion de musiques enregistrées, médiatisation, production de tournées, développement de carrières, action culturelle, répétition, création, enseignement de la musique, fabrication, vente et location d’instruments, de matériels, conseil, formation professionnelle, aménagement, bâtiment, collectage, nombre de services connexes… Aujourd’hui, les acteurs musicaux engendrent une activité importante sur les territoires et font appel à de nombreuses compétences. Ainsi, la filière musicale représente une économie réelle, humaine, ancrée, favorisant les économies locales, suscitant des vocations d’entrepreneurs et générant des emplois techniques, administratifs ou artistiques.

Toutes les structures qui portent ces activités sont intimement reliées les unes aux autres jusqu’à être complètement interdépendantes  ; d’où cette notion d’écosystème. Les musiques actuelles ne peuvent véritablement se développer aujourd’hui sans chercher à renforcer cette diversité et sans maintenir une forme d’équilibre au sein de cet écosystème.

 

Une filière économique réelle, néanmoins fragile

Dans la crise globale traversée, la filière musicale connaît un développement réel, mais elle est également touchée par des phénomènes de concentration inédits dans les industries culturelles comme dans le spectacle vivant. Le déploiement de projets artistiques sur les territoires devient de plus en plus difficile. Les soutiens publics se font moins disponibles et se concentrent également sur certaines structures institutionnelles.

L’équilibre de l’écosystème est donc très fragile. Les capacités d’investissement se réduisent. La prise de risque également. Les nombreuses petites structures, indispensables à la vitalité artistique, citoyenne et économique des territoires, sont les premières touchées par les difficultés financières : les salles de concerts, cafés, et festivals ouverts à l’émergence de nouveaux talents, les entreprises qui portent le développement des projets artistiques, qu’ils soient labels, tourneurs, ou managers, les collectifs, les studios, les écoles de musiques, les médias,…

Leur vulnérabilité se mesure par les marqueurs de précarité liés à l’emploi : des niveaux de salaires plus bas que la moyenne et des équipes réduites pour réaliser des objectifs pourtant revendiqués largement. Ces manques sont compensés par un recours aux emplois aidés, par des temps partiels subis et par une forte polyvalence des postes. Cela ne permet pas de mobiliser des compétences nouvelles issues d’autres secteurs, d’autres expériences, et génère un turn over important des personnes et des actions. Des projets disparaissent chaque année. Ils sont remplacées par de nouveaux, portés par des acteurs motivés certes mais toujours plus fragiles. L’impact sur l’emploi est réel, ce qui n’est pas sans conséquence pour les bénéficiaires directs ou indirects, les populations, les artistes, le tissu économique et social de nos territoires.

Aujourd’hui, il est absolument nécessaire d’accompagner la prise de risques, soutenir les démarches solidaires, épauler l’entrepreneuriat, encourager la coopération entre initiatives privées et initiatives publiques. Face à des enjeux inédits, la filière musicale que nous fédérons fait preuve d’une grande maturité et démontre sa capacité d’innovation. Les acteurs se sont organisés au niveau national au travers des fédérations et syndicats. Sur les territoires, malgré les différences de statuts, de légitimité, de fonctionnement, malgré les concurrences potentielles, ils se structurent au sein d’espaces de dialogue et de concertation permanents, les pôles et réseaux régionaux. Ils se dotent également d’outils d’observation partagée. Ils défrichent des terrains moins connus et trouvent des potentialités de développement sur les questions économiques, sociales ou environnementales.

 

Une diversité à soutenir dans sa capacité d’innovation

Innovantes et constructives, de nombreuses entreprises de la filière musicale sont aujourd’hui en première ligne sur les enjeux de mutualisation, de coopération, de développement durable, d’accessibilité, de prévention, d’internationalisation, sur les liens avec l’éducation, le tourisme, la recherche, le numérique. Elles créent des passerelles avec d’autres secteurs économiques et d’activités, se réapproprient des outils expérimentés ailleurs, en particulier dans le champ de l’économie sociale et solidaire, outils de trésorerie, dispositifs d’aides à l’emploi, de mobilisation de mécénat, coopératives d’activité et d’emploi, groupements d’employeurs, pôle territoriaux de coopérations économiques.

L’impact du numérique entraîne des repositionnements stratégiques majeurs au sein des filières culturelles. Les acteurs doivent pouvoir se projeter, investir, construire des réponses collectives, dans des démarches de développement durable. Les enjeux sont tels pour les collectivités et les habitants qu’il faut pouvoir anticiper les normes et enjeux de demain. Nombreux sont les projets volontaristes en la matière, mais force est de constater, quel que soit le sujet, que pour transformer des expérimentations en des innovations réellement significatives, il faut de la confiance, du temps et des moyens pour prendre le recul nécessaire, tâtonner, tester et instituer de nouvelles pratiques, de nouvelles façon de travailler.

 

Les musiques actuelles un atout pour participer à l’évolution des politiques publiques

En quelques décennies, les musiques actuelles se sont vu progressivement reconnaître d’abord par les collectivités territoriales, puis par l’Etat. Même si leur prise en compte reste encore largement en deçà d’autres disciplines artistiques considérées comme plus « légitimes », le soutien public aux musiques actuelles signe leur intégration aux politiques publiques – une reconnaissance à la fois recherchée mais aussi redoutée par les acteurs toujours soucieux de leur indépendance. Force est de constater qu’ainsi notre secteur a pu largement se professionnaliser ces dernières années, et qu’il bénéficie aujourd’hui de nombreuses compétences. L’enjeu, pour nos partenaires, l’Etat et les collectivités, est de trouver les leviers permettant de mobiliser ces compétences pour faire face aux défis auxquels collectivement nous sommes confrontés.

La liberté d’expression, l’exercice des arts, l’éducation artistique et culturelle sont des enjeux majeurs auxquels nous, acteurs de la filière musicale, sommes attachés. Préserver des politiques culturelles ambitieuses est absolument nécessaire, et pour ce faire, il faut être prêt à les rénover, à les adapter à la réalité des modes de vies et aux attentes actuelles des populations. Il est essentiel aujourd’hui d’imaginer des dispositifs vertueux qui permettent d’irriguer l’ensemble des territoires, en s’appuyant sur des écosystèmes de proximité. Il est aussi essentiel de rendre toujours plus effective la solidarité et la coopération au sein même de notre secteur. Ce travail ne peut se faire que dans la confiance, le dialogue et la réciprocité, en mettant en place des outils de concertation, d’observation et de diagnostic partagé. Nous nous sommes déjà engagés dans ces démarches avec nos partenaires publics, à travers les Solima, et d’autres processus de concertation territoriale ou de co-construction qui nous semblent indispensables pour  décloisonner, sortir des habitudes et penser les transversalités.

Les défis auxquels sont confrontées nos entreprises sont de natures extrêmement différentes. Répondre à des aspirations sociales, artistiques et culturelles en mouvement constant, explorer de nouvelles activités, construire des modèles économiques, trouver des formes d’organisations adaptées, s’adapter aux enjeux numériques et environnementaux, adopter des pratiques responsables vis-à-vis de leurs publics, usagers, clients, bénéficiaires, de leurs salariés et de leurs partenaires,…Notre filière musicale doit franchir aujourd’hui une nouvelle étape de son développement. Les expérimentations doivent être nourries. Les expériences doivent se confronter. La filière, et son réseau de compétences, doit de ce point de vue être animée et accompagnée. Nos enjeux sont au carrefour de nombreuses politiques publiques : économiques, sociales, environnementales, sanitaires, éducatives, de jeunesse, de coopération internationale, de tourisme, d’attractivité… Des passerelles doivent continuer d’être construites. Des articulations trouvées. Des transversalités favorisées, à tous les niveaux. Du fait de leur histoire spécifique, les musiques actuelles portent en elles une véritable culture de la coopération et de la co-constrution, ingrédients indispensables pour élaborer avec les collectivités et l’Etat, de nouveaux possibles pour les populations en matière culturelle.

 

Nous souhaitons de nos élus qu’ils soutiennent et encouragent :

  • L’émergence, la prise de risque artistique, la création musicale, la diversité culturelle, les pratiques en amateurs, l’éducation artistique, à travers des subventions  préservées, mais également évaluées et rééquilibrées ;
  • Nos filières culturelles au niveau régional et national, dans leur capacité d’innovation, de mise en synergies, d’observation, de promotion et d’appui ; dans le déploiement d’outils d’information, de ressources et d’accompagnement artistique et économique ; dans la formation professionnelle et le développement d’outils de ressources humaines adaptés ;
  • La coopération entre acteurs, à tous les niveaux, qu’elle soit renforcée pour rendre possible des solutions opérationnelles en réponse aux mutations sociétales actuelles ;
  • Les initiatives et expérimentations, sur les enjeux actuels, d’emploi, de développement économique, de développement durable, de santé, d’accessibilité, du numérique, d’aménagement et de vivre ensemble ;
  • Des espaces de co-construction sur les questions essentielles telles que les enjeux artistiques et éducatifs, l’emploi, les modèles économiques, les financements, l’évaluation ;
  • Nos propositions, pour faire reconnaitre et mettre œuvre en tant que responsabilité publique et exercice conjoint des différentes natures de collectivités, les droits culturels des personnes, pour favoriser la diversité artistique, culturelle et territoriale, face aux risques de concentration économique existant ; pour que des outils de redistribution adaptée soient mis en place ; pour que la participation de tout-es à la vie artistique et culturelle soient assuré pour toutes les formes de cultures, et sur l’ensemble des territoires.